Chronique d’une apnée annoncée : plongée en eaux troubles au GT Participation II
par Xavier BAUMIER · Publié · Mis à jour

Jeudi 27 mars, 14h02. Me voilà dans une des salles de réunion du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale (le fameux CNLE, pour les initiés), prêt à entamer une nouvelle séance plénière du groupe de travail Participation II, que j’ai l’honneur de co-présider depuis quelques semaines.
Sauf que, ce jour-là, ma co-présidente est absente. Et là, panique à bord : c’est moi qui hérite du gouvernail, seul, sans co-capitaine. Une responsabilité inattendue, dans une mer que je pressens… un tantinet agité.
Heureusement, notre rapporteur, solide comme un roc, m’accompagne dans ce petit saut sans filet, ainsi que quelques collègues compatissants. Mais très vite, je comprends que je viens de plonger dans une séance qui va demander une apnée mentale et institutionnelle de haut niveau. Jean Reno dans Le Grand Bleu peut aller réviser ses longueurs : j’ai tenu deux heures sans respirer, sans cligner des yeux, sans perdre (trop) de dignité.
À l’ordre du jour : la charte interne du CNLE
Un sujet noble s’il en est : poser ensemble les bases d’un fonctionnement partagé, les valeurs communes, les principes de collaboration et de respect mutuel. Bref, une charte. Pas une constitution. Pas un règlement carcéral. Juste un texte d’intention pour faciliter le vivre-ensemble dans la durée.
Lors de la précédente plénière, nous avions proposé un document martyr, version 0.1 de cette charte. Hélas, la réception fut plutôt… froide. Gelée, même. Rejetée en bloc par le groupe. Trop formel, trop descendant, pas assez co-construit. On a entendu le message. On a donc décidé de repartir d’une page blanche, une belle idée de démocratie participative à l’état pur.
Et c’est là que les choses se sont corsées
Au moment même où nous commencions à discuter des valeurs que chacun souhaiterait voir figurer dans cette future charte, le débat a dérapé. Pour certains, l’idée même de charte semblait insupportable : un carcan, une menace pour la libre expression, un outil de contrôle. Pourtant, rappelons-le – et ce n’est pas moi qui l’invente – l’avis du CNLE intitulé « Le choc de la participation » recommande expressément l’adoption d’une charte interne pour garantir un cadre clair, équitable et transparent. Ce n’est donc pas un caprice d’animateur, mais un objectif partagé… en théorie.
Et comme un bonheur n’arrive jamais seul…
En pleine discussion sur les valeurs de respect, de bienveillance et de transparence, une mise en cause de ma légitimité comme co-président a surgi. Oui, vous avez bien lu. Alors que j’avais accepté cette mission au pied levé, avec humilité et dans un pur esprit de service, certains ont remis en question ma place. Pas sur le fond. Pas sur mon action. Juste… sur le principe.
Faut-il y voir un hasard si cela vient de personnes qui, visiblement, auraient aimé être à ma place ? Je ne veux pas sombrer dans la paranoïa participative, mais disons que les signaux sont clairs. On peut débattre d’une charte. Mais de là à vouloir faire chavirer le bateau pendant que je rame seul à bord…
Rendez-vous le 10 avril… avec pince-nez et sang-froid
La prochaine plénière aura lieu le 10 avril. Et je vous le dis sans détour : je n’oublierai pas mon pince-nez, car vu le niveau d’apnée demandé, il me faudra du matériel de survie.
En attendant, je me console en me disant qu’au fond, cette turbulence est aussi la preuve que la participation est vivante. Vivace, même. Mais à condition qu’elle ne devienne pas une jungle sans règle, où celui qui parle plus fort écrase celui qui construit.
Alors je persiste. Je tiens la barre. Et je continuerai à défendre une participation inclusive, claire et structurée. Même s’il faut parfois apprendre à nager au milieu des remous, avec le sourire. Et une bonne dose d’humour
