Atlas de la pauvreté et des inégalités 2025 : un outil indispensable, enfin entre nos mains
par Xavier Baumier · Publié · Mis à jour
Il y a des publications qui passent, et d’autres qui marquent. L’Atlas de la pauvreté et des inégalités publié par le CNLE en octobre 2025 appartient à la seconde catégorie. Pas parce qu’il aligne des cartes jolies comme des posters de géographie scolaire — mais parce qu’il met noir sur blanc, avec une précision clinique, ce que beaucoup préfèrent encore cacher sous le tapis.
Cet Atlas, c’est le résultat d’un travail rigoureux mené par Olivier Milhaud, ami, géographe exigeant, et esprit libre — autrement dit la combinaison rare de quelqu’un qui sait lire un territoire et qui refuse de se laisser endormir par les récits simplistes. À ses côtés, Antonine Ribardière et Cyprien Deloget, tous deux tout aussi talentueux, ont façonné un document d’une puissance rare : un outil qui ne se contente pas d’informer, mais qui oblige à réfléchir. Et donc, forcément, à agir.
L’Atlas 2025 n’est pas un énième rapport institutionnel : c’est le premier véritable tableau de bord territorial des fractures sociales françaises, construit à l’échelle des départements et des intercommunalités. Une entrée résolument géographique, parfaitement assumée, qui permet — enfin — de sortir des moyennes nationales qui ont tendance à lisser les drames comme les dynamiques.
Pourquoi cet Atlas est essentiel
Parce qu’il éclaire trois réalités que l’on connaît souvent mal, ou trop partiellement :
1. La pauvreté n’est pas là où on la croit
Oui, il y a les départements ultra-marins, éternels oubliés des politiques publiques, où la pauvreté atteint des niveaux sidérants. Oui, il y a la Seine-Saint-Denis, la Guyane, Mayotte. Mais l’Atlas montre aussi des territoires ruraux, des intercommunalités périurbaines, des espaces que l’on dit “dynamiques” — bref, des lieux où l’on ne regarde pas assez et où les fractures se creusent en silence.
2. Les inégalités territoriales sont devenues un fait structurant du pays
On le pressentait, mais les cartes le démontrent avec une rigueur implacable : selon l’endroit où l’on naît, les chances d’accéder à un niveau de vie décent ne sont tout simplement pas les mêmes.
Et non, ce n’est pas « la fatalité » : c’est le produit direct de politiques publiques inégales, mal coordonnées, souvent pensées depuis Paris pour des territoires qu’on ne visite pas.
3. Le chômage, la pauvreté et les inégalités ne se superposent pas toujours
Voilà probablement le point le plus intéressant de l’Atlas. On savait que le réel résiste aux schémas simplistes ; la démonstration est ici éclatante.
Des zones à faible chômage peuvent afficher un fort taux de pauvreté ; des secteurs riches peuvent connaître un niveau d’inégalités excessif. Rien n’est simple.
Et c’est précisément pour cela qu’un outil comme celui-ci est indispensable : il déconstruit les évidences et met les décideurs face à leurs contradictions.
Un travail utile, rigoureux… et courageux
La force de cet Atlas ne tient pas seulement aux cartes. Elle réside dans la capacité des auteurs à rendre intelligible ce qui, souvent, se perd dans les chiffres :
- la manière dont se combinent pauvreté et isolement ;
- la façon dont l’emploi ne garantit plus toujours un niveau de vie digne ;
- le rôle déterminant des politiques territoriales ;
- les fractures internes à un même département ;
- les dynamiques contrastées d’une intercommunalité à l’autre.
C’est un travail exigeant et humble, où chaque carte invite à la nuance, à l’analyse, à aller au-delà des slogans et des discours déjà écrits d’avance.
Et permettez-moi de le dire : voir le CNLE — institution dans laquelle je suis engagé depuis maintenant plus d’un an — produire un tel outil, c’est non seulement un motif de fierté, mais surtout un signal encourageant. Oui, nous pouvons porter une parole indépendante, fondée sur les faits, même lorsqu’ils dérangent.
Pourquoi vous devriez le lire
Parce qu’on ne peut pas prétendre parler de pauvreté sans regarder la réalité en face.
Parce qu’une politique efficace commence par un diagnostic honnête.
Parce que cet Atlas n’est pas une fin en soi mais un révélateur — de manques, de besoins, de réussites aussi.
Et, disons-le franchement : dans un pays où le débat public se nourrit trop souvent de caricatures, de fantasmes ou de slogans, cet Atlas redonne de l’oxygène. Du sérieux. De la nuance.
C’est déjà beaucoup.
Lisez-le. Partagez-le. Utilisez-le.
Car un outil comme celui-ci ne sert que si l’on s’en empare.
Télécharger l’Atlas de la pauvreté et des inégalités
ou le consilter ci-dessous
ATLAS-PAUVRETE-CNLE-octobre-2025