Budget 2026 : le grand sabordage social du gouvernement Lecornu

Sous couvert de rigueur budgétaire, le projet de loi de finances 2026 consacre une rupture brutale avec l’esprit de solidarité républicaine. Derrière la promesse de « redressement », c’est tout l’édifice social français qui vacille.

Un budget d’austérité en pleine crise sociale

Présenté le 14 octobre 2025, le budget 2026 du gouvernement Lecornu affiche une réduction de 2,6 % des crédits de la mission “Solidarité, insertion et égalité des chances”, soit près de 800 millions d’euros de coupes, au nom d’un plan d’économies de 40 milliards d’euros.
Un choix assumé pour rassurer Bruxelles, mais qui frappe de plein fouet les plus pauvres, les malades, les chômeurs et les associations.

Pendant que le taux de pauvreté atteint 15,4 % (un record depuis 1996) et que plus de 9,8 millions de personnes vivent sous le seuil de pauvreté, le gouvernement choisit… de rogner les filets de sécurité.

Le gel des prestations sociales : 3,6 milliards “économisés” sur le dos des plus précaires

L’article 44 du PLFSS 2026 suspend la revalorisation automatique des prestations sociales. Une mesure technique ? Non : une gifle à 9,8 millions de pauvres.
RSA, AAH, allocations familiales : tous gelés. Résultat, un bénéficiaire du RSA perdra environ 100 € par an, un allocataire AAH 158 €, et une famille de trois enfants près de 50 €.

Sous prétexte de « responsabilité budgétaire », le gouvernement creuse le fossé entre les ménages modestes et le reste de la population.
Les associations parlent d’une mesure “aveugle et injuste” : le Secours Catholique, ATD Quart Monde et la Fédération des Acteurs de la Solidarité alertent sur le sentiment d’abandon et le risque d’explosions sociales.

Santé : franchises doublées, soins sacrifiés

L’article 18 du PLFSS 2026 double les franchises médicales et introduit une participation sur les dispositifs médicaux.
Résultat : jusqu’à 100 € de reste à charge annuel supplémentaire, sans compter la hausse des dépassements d’honoraires.
Les associations de patients dénoncent un renoncement aux soins programmé, notamment pour les personnes âgées ou atteintes de maladies chroniques.

Le Haut Conseil pour l’avenir de l’assurance maladie parle d’un budget “déconnecté des besoins réels”, tandis que la Cnam elle-même rend un avis unanimement défavorable.

Handicap : travailler pour gagner moins

L’article 79 du PLF 2026 supprime l’abattement appliqué à l’AAH dans le calcul de la prime d’activité.
Concrètement, 130 000 à 150 000 personnes handicapées verront leur revenu baisser de 80 à 150 € par mois… simplement parce qu’elles travaillent.
Un non-sens économique, mais surtout une humiliation sociale, contraire à vingt ans de politiques d’inclusion.
Pour 95 millions d’euros d’économies (0,32 % du budget Solidarité !), le gouvernement décourage l’emploi des personnes en situation de handicap.

RSA : la réinsertion sans moyens

Après avoir imposé une obligation de 15 à 20 h d’activité hebdomadaire aux allocataires du RSA, le gouvernement supprime simultanément 515 postes à France Travail et 17 millions d’euros de crédits d’accompagnement.
Les conseillers auront bientôt 100 à 120 bénéficiaires chacun, rendant tout suivi impossible.
Les plus vulnérables — personnes en situation de handicap, victimes de violences, malades psychiques — seront les premières sanctionnées.
Un dispositif sans moyens, aussi absurde qu’inhumain.

Jeunesse et emploi : des coupes à la tronçonneuse

Les crédits du travail et de l’emploi reculent de 2,35 milliards d’euros.

  • L’insertion par l’activité économique (IAE) : -10,84 %.
  • L’apprentissage : -31 %.
  • Les formations pour salariés : -78 %.
  • Les contrats d’engagement jeunes : -16 000.

Pendant ce temps, aucune ligne budgétaire n’est prévue pour généraliser Territoires Zéro Chômeur de Longue Durée, pourtant reconnu comme efficace et peu coûteux.
Les jeunes, les chômeurs, les travailleurs précaires : tous sacrifiés sur l’autel du déficit.

Logement : l’État démolit son propre parc social

L’Union sociale pour l’habitat alerte : 2,175 milliards d’euros de ponctions sur les organismes HLM en 2026, soit 750 millions de moins pour la construction et la rénovation.
Conséquence : moins de logements sociaux, plus de loyers impayés, et plus de familles à la rue.
Un choix incompréhensible alors que 2,6 millions de ménages attendent un logement social.

Associations : la solidarité asphyxiée

Les associations, piliers du lien social, paient aussi la facture :

  • Vie associative : -17,6 %
  • Économie sociale et solidaire : -54 %
  • Tiers-lieux : -95 %
  • Insertion par l’activité économique : -14 %

Benoît Hamon (ESS France) résume : « Le gouvernement choisit d’assécher les solidarités. »
Pendant que les Restos du Cœur et Emmaüs alertent sur une hausse de 25 % des demandes, l’État leur coupe les vivres.
Et pour se donner bonne conscience, l’article 9 double le plafond du dispositif “Coluche” : un pansement fiscal sur une plaie béante.

Collectivités locales : le coup de grâce

Les articles 27, 33 et 34 du budget réduisent de près de 2 milliards d’euros les compensations fiscales dues aux collectivités.
Résultat : moins de marges pour financer les politiques sociales locales, les associations, l’aide alimentaire ou le logement.
Le gouvernement fait semblant de “partager l’effort” — en réalité, il le délègue à ceux qui agissent concrètement sur le terrain.

Une cohérence : celle du désengagement

Ce budget 2026 n’est pas neutre.
Il ne “réforme” pas, il renverse la logique même de la solidarité nationale.
Gel des prestations, désincitation au travail, coupes dans l’emploi et l’insertion, attaques contre le logement social et le monde associatif : jamais un projet budgétaire n’aura concentré autant de mesures antisociales en si peu d’articles.

Le tout, sans aucune évaluation d’impact social, alors que la France s’est engagée à réduire de 20 % la pauvreté d’ici 2027.
Résultat prévisible : l’inverse.
Une explosion des inégalités, un accroissement du non-recours, et la fin assumée d’un modèle social déjà fragilisé.

Un budget contre la société

Sous couvert de « redressement », le gouvernement Lecornu enterre l’idée même de fraternité républicaine.
Ce budget n’est pas celui du courage : c’est celui du renoncement.
Renoncement à protéger les plus faibles. Renoncement à préparer l’avenir. Renoncement à ce qui faisait de la France un pays solidaire.

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