Tribune – Dieu est amour… mais pas pour tous ?
par Xavier BAUMIER · Publié · Mis à jour
Je déconseille la lecture de cette tribune aux âmes trop puritaines et aux grenouilles de bénitier. Oui, vous. Les yeux doux à la morale stricte. Ce qui suit risque de secouer vos encensoirs.
L’autre jour, dans la feuille d’information paroissiale — et sur le site de ma paroisse — était relayée une information diocésaine concernant l’organisation d’une conférence pour les personnes ayant été « touchées dans leur entourage par l’homosexualité ».
J’ai eu besoin de lire, de relire, de respirer un coup. Et finalement… j’ai compris qu’on en était encore là. Que certains, manifestement, n’avaient toujours rien compris. Et qu’ils s’obstinaient à vouloir cacher la poussière sous le tapis.
Mais déjà, une question simple : qu’est-ce que ça veut dire, « être touché dans son entourage par l’homosexualité » ? Est-ce que l’homosexualité est mise sur le même plan qu’une maladie grave ? Une de celles dont on meurt, et dont nos proches auraient besoin de parler pour se préparer au deuil ?
Franchement, je ne comprends pas cette formulation. Et dans le fond, j’aurais voulu que ce soit juste un maladroit faux pas. Mais non. Cette phrase résume exactement la place que les personnes homosexuelles occupent encore aujourd’hui dans l’Église — dans l’Église en général, et dans l’Église d’Anjou en particulier : au mieux, on nous tolère. Mais jamais on ne nous accepte.
Je nourrissais l’espoir — un peu naïf sans doute — que même si tous les fidèles n’avaient pas entamé leur chemin vers plus de compréhension, le clergé, lui, avait commencé à faire son travail là-dessus. Mais en fait, non. Rien. Le vide.
Les personnes homosexuelles ne sont toujours pas considérées dans la structuration de notre Église. On nous tolère, tant que nous restons invisibles.
Et le mot est juste : invisibles. Parce qu’on ne s’adresse jamais à nous. On parle de notre sujet, on organise des temps autour de notre réalité, mais nous, les premiers concernés, on n’est pas invités. Jamais conviés à la table. Jamais appelés à témoigner. Juste réduits à un mot. Ou à un problème.
Et là, tenez-vous bien : dans notre diocèse, les « homos » — comme ils disent (avec cette petite grimace dans la bouche, façon Aznavour) — dépendent du service famille. Ah, la bonne blague. Après des décennies à nous dire que nous ne formons pas de famille, on nous colle aujourd’hui dans ce service. Faut bien nous mettre quelque part, j’imagine…
Franchement, si je n’étais pas en colère, j’en pleurerais.
Mais est-ce que notre évêque, nos vicaires généraux, nos curés, nos responsables diocésains savent encore que « Dieu est amour » ? (Petit rappel biblique : 1 Jean 4, 8.) Parce qu’à force de nous mettre à l’écart, vous allez finir par nous mettre à la porte des églises. Et vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas.
Ce n’est déjà pas évident d’être homosexuel dans une société où l’ouverture d’esprit est un combat quotidien. Mais dans une communauté de foi censée prôner l’accueil, l’amour inconditionnel, la justice et la fraternité… C’est parfois un chemin de croix. Et cette Église-là, aujourd’hui, je la reconnais de moins en moins. Elle est aux antipodes de l’Évangile que je lis et que j’essaie de vivre.
Alors oui, parfois, je me demande : suis-je encore à ma place ? Entouré de personnes qui n’acceptent pas ce que je suis, qui me nient d’une certaine manière ? L’Église d’Anjou, pour ne parler que d’elle, semble rester figée dans un vieux logiciel, où l’amour ne se conjugue qu’au masculin et féminin, unis devant l’autel. Mais la société, elle, a avancé. Et elle ne reviendra pas en arrière.
Alors ne soyez pas surpris, le jour où les personnes homosexuelles délaisseront leur foi, les bancs des églises, et ce Dieu qu’on leur aura présenté comme exclusif plutôt qu’inclusif. Et oui, je ne suis pas le seul catho pratiquant et homo. Nous sommes là. Parfois silencieux. Souvent blessés. Mais encore là.
En attendant que les choses bougent, je prie. Je prie pour mon évêque. Je prie pour nos responsables. Je prie pour qu’ils trouvent un jour le chemin de l’amour. Le vrai. Celui qui ne trie pas les âmes à l’entrée de l’église. Celui qui ne demande pas d’être conforme, mais d’être profondément humain.
Parce qu’en attendant d’être pleinement acceptés, nous, les invisibles, nous continuons d’aimer. Malgré tout.

Un catholique pratiquant, homosexuel, et encore (malgré tout) engagé dans son Église
