Un nouveau souffle sur Rome : Léon XIV, le pape du sourire et des périphéries

Jeudi 8 mai 2025. La clameur s’élève place Saint-Pierre : Habemus Papam. La loggia s’ouvre, et c’est un visage inconnu pour la plupart, mais immédiatement fraternel, qui se découvre au monde. Il sourit avec simplicité, une main sur le cœur, les yeux embués. Et dans un silence impressionnant, il prononce ces mots qui m’ont saisi :
« Le monde a besoin de lumière. Pas de projecteurs, mais de la lumière du Christ. »
En quelques secondes, la solennité du moment bascule dans une forme de douceur. Une Église fatiguée, traversée de tensions, blessée par des scandales, trouve là un souffle nouveau. Léon XIV venait de naître.

Un homme du continent américain, missionnaire et enraciné

Ce pape, nous le connaissions peu. Robert Francis Prevost, 69 ans, originaire de Chicago, a d’abord été missionnaire au Pérou, chez les augustins, avant d’en devenir l’évêque à Chiclayo pendant près de dix ans. Homme de terrain, il a arpenté les Andes, célébré dans des chapelles de fortune, porté les luttes des communautés rurales et indigènes. Nommé à Rome en 2023 par le pape François à la tête du dicastère pour les évêques, il a gagné la confiance de beaucoup par sa rigueur, son sens du discernement et sa profonde écoute.

Il n’a jamais fait partie des favoris dans les médias. Il n’est ni une star, ni un idéologue, ni un représentant de courants bien établis. Mais il incarne une forme de catholicisme que François avait déjà remis en lumière : celui des périphéries, du concret, du lien intime entre Évangile et justice.

Un nom lourd d’histoire : Léon, comme un signal d’ouverture

En prenant le nom de Léon XIV, il rend hommage à Léon XIII (1878–1903), l’un des plus grands réformateurs de l’histoire moderne de l’Église. Léon XIII fut l’auteur de Rerum Novarum, l’encyclique fondatrice de la doctrine sociale catholique, dénonçant les excès du capitalisme et appelant à la dignité du travail, à la solidarité, à la justice économique. Il fut aussi le pape qui accepta de dialoguer avec le monde moderne, avec la science, avec la démocratie, sans rien sacrifier de la foi.

Ce choix de nom est donc éminemment politique – au sens noble du terme. Il ne s’agit pas d’un retour au conservatisme ni d’une rupture spectaculaire. Il s’agit de l’affirmation d’un cap : celui d’une Église enracinée dans les combats de son temps, et qui entend porter une parole claire dans les débats contemporains.

Le pape des ponts, pas des murs

Dans ses premiers mots, Léon XIV a tenu à saluer le pape François :

« Pasteur humble et courageux, qui a guidé l’Église avec tendresse et audace. »
Un hommage appuyé, mais aussi un signal. Il s’inscrit dans une continuité, celle d’un pontificat qui a réformé la Curie, mis la synodalité au cœur de la vie ecclésiale, donné de la voix aux femmes, et fait de la lutte contre les abus une priorité.

Léon XIV ne se présentera pas comme un “François bis”, mais il semble bien décidé à poursuivre, dans son style propre, l’œuvre de transformation. Et ce style, on le devine déjà : une attention fraternelle, un enracinement pastoral, une exigence de vérité. Il a salué « le peuple péruvien » dans son discours, comme un rappel : on ne gouverne pas l’Église depuis un bureau, mais en marchant avec les peuples, les pauvres, les oubliés.

Une Église à l’épreuve du réel

Cela dit, l’émotion ne doit pas faire oublier les défis. Ce nouveau pape aura fort à faire. L’unité de l’Église est fragile. Le clivage entre traditionalistes et réformateurs est profond. Les tensions géopolitiques traversent aussi les synodes. Les scandales n’ont pas tous été purgés. L’avenir de la synodalité est encore incertain.

De plus, les réformes de François ont souvent été freinées par l’inertie institutionnelle. Et sur des dossiers sensibles – place des femmes, accueil des personnes LGBTQ+, lutte contre les abus spirituels – Léon XIV sera attendu au tournant. Les premières nominations, les prises de parole lors des grands rendez-vous (comme la COP30 ou le synode d’octobre), seront des indicateurs précieux.

Alors, restons vigilants. Il ne suffit pas d’être sympathique ou bien intentionné. Il faut du courage, une vision, et des actes forts.

Mais pour aujourd’hui : laissons place à l’Espérance

Aujourd’hui, je choisis d’être heureux. Heureux d’avoir vu surgir, dans ce ciel romain, un homme libre, modeste, enraciné, au sourire bouleversant. Heureux qu’il ose invoquer Léon XIII, ce géant oublié. Heureux de sentir que, peut-être, l’Église n’a pas fini de se réformer, de se purifier, de se mettre au service de la vie.

Nous avons un pape. Et c’est un pape qui ne vient pas d’un palais, mais du terrain. Un pape qui sait ce que signifie marcher, écouter, se taire, et bâtir.
Léon XIV est là. À nous de l’accompagner avec exigence et confiance.
Et à lui de nous surprendre.

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