Blog en liberté surveillée : chronique d’un amateur dans un monde de sachant

Quand j’ai commencé ce blog, franchement, je pensais qu’il allait être lu par… moi. Et éventuellement par deux ou trois amis polis qui m’aiment bien (ou qui culpabilisent de ne pas avoir liké ma dernière publication Facebook). Certainement pas par des profs de fac, des chercheurs du CNRS – sociologues, historiens, géographes, peut-être même des physiciens égarés – ni par des hauts, très hauts, stratosphériques fonctionnaires. Bref, la crème de la crème du cerveau hexagonal.

Et donc, aujourd’hui, je tourne sept fois mes doigts avant de taper sur le clavier. Oui, sept. Ce qui me vaut des crampes de phalanges, mais aussi une certaine élégance dans la frappe. J’imagine déjà Jean-Claude Barbier – directeur de recherche émérite au CNRS, expert des politiques sociales, penseur rigoureux et, accessoirement, lecteur de ce blog (eh ouais, je l’ai casé) – lever un sourcil, dubitatif, face à une tournure bancale ou une citation de travers.

Alors, je vous le dis : je me casse la tête pour trouver des thèmes d’articles intéressants. Parce que raconter la dernière fois que j’ai raté mon café du matin ou que j’ai perdu une chaussette dans la machine à laver ne passionnera pas les foules (ou alors une niche très spécifique de sociologues du quotidien, on ne sait jamais).

Mais soyons honnêtes : écrire, j’ai toujours aimé ça. Même si parfois, ça ressemble plus à un exutoire qu’à une œuvre littéraire. Écrire, c’est coucher sur écran mes ressentis, mes colères, mes convictions et parfois mes questionnements existentiels sur le prix du beurre.

Alors oui, ici on parle de politique, de religion, de lutte contre l’exclusion sociale et de la très grande pauvreté. Non pas parce que c’est tendance ou pour cocher des cases dans une newsletter engagée, mais parce que c’est dans mes tripes, dans mon ADN. J’essaie de traiter des sujets d’actualité avec une pointe d’humour, beaucoup d’autodérision, et un soupçon d’impertinence (quand mon courage me le permet).

Et surtout – surtout ! – j’écris pour celles et ceux qu’on n’entend jamais. Les sans-voix, les sans-réseaux, les sans-diplômes qui claquent, les sans-tribunes dans Le Monde. Ceux qu’on écoute uniquement pour remplir une case dans une consultation publique, et encore, si l’ordinateur veut bien démarrer. Eh bien eux, grâce à ma plume (ou plutôt mon clavier bancal, avec sa touche majuscule qui fait grève), ils squattent la parole. Oui, carrément. Ils squattent. Ils posent leurs sacs dans le débat public, ils s’assoient dans le salon de la République, et ils y restent, avec ou sans invitation. Et ça, franchement, j’en suis plus que fier. Fier comme un coq en réunion d’experts. Fier comme un type qui a enfin réussi à faire entendre une voix qu’on n’attendait pas. Fier, point barre.

Et puis, soyons clairs : si je continue à écrire, c’est aussi parce que j’ai décidé – sans qu’on me le demande, je vous l’accorde – de prendre un peu la parole pour celles et ceux qu’on n’écoute jamais. Ceux qui n’ont pas les codes, pas les réseaux, pas le badge pour entrer dans les grandes réunions où tout se décide sans eux. C’est pas une mission officielle, hein. Pas de médaille ni de strapontin à la commission. Mais j’assume ce rôle de porte-voix improvisé, de micro ambulant pour les voix étouffées. Et je le fais à ma manière : libre, un brin bordélique, parfois irrévérencieux, souvent ému, jamais formaté. Parce que prendre la parole pour les autres, c’est bien, mais la garder libre, c’est encore mieux.

Alors oui, ce blog est lu par des cerveaux XXL, mais il est écrit pour tout le monde. Pour les érudits comme pour les curieux. Pour les passionnés, les cabossés, les fatigués de la vie. Pour ceux qui n’ont jamais mis un pied dans un séminaire du CNRS, mais qui savent ce que ça fait de galérer au quotidien. Et si, au passage, je fais lever un sourcil à un professeur émérite, tant mieux. Et si je fais sourire une personne qui doute, alors c’est jackpot.

Non, je n’ai pas envie d’arrêter. Parce qu’écrire me fait du bien. Parce qu’j’en ai besoin. Parce qu’à travers mes mots, d’autres peuvent se reconnaître, même en creux. Et parce que si je devais tout arrêter, je finirais peut-être sur LinkedIn à raconter ma vie en hashtags. Et franchement, je vous épargne ça.

À très bientôt, chers lecteurs prestigieux, lecteurs anonymes, lecteurs paumés, lecteurs fidèles : ce blog est à vous. Merci de squatter l’espace.

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