Le monde pleure un pasteur : le pape François s’est endormi à l’aube, un lundi de Pâques

 

Il y a des nouvelles qui arrêtent le temps. Ce matin, à la télévision, les mots ont été simples, presque secs : « Le pape François est décédé ce lundi de Pâques, à l’aube, au Vatican. » Et pourtant, ils ont traversé mon cœur comme une déchirure. J’ai eu besoin de silence. Un silence lourd, plein, un silence où les larmes coulent seules.

François n’est plus.

Et je repense à ce 13 mars 2013, le jour de son élection. Il pleuvait à Rome. La foule s’était massée sur la place Saint-Pierre, les parapluies formaient une mer sombre et impatiente. Et puis, la fumée blanche. Habemus Papam. Je me souviens encore de mon souffle suspendu, de mes mains jointes, de mes yeux qui cherchaient un signe. Et c’est lui qui est apparu. Petit homme blanc, silhouette discrète, visage grave et doux. Jorge Mario Bergoglio, archevêque de Buenos Aires. Il choisissait un nom : François. En référence au poverello d’Assise. Et c’était déjà une révolution.

Il ne s’est pas incliné en pape. Il s’est incliné en frère. Avant de bénir, il a demandé qu’on prie pour lui. Ce geste m’a bouleversé. Ce soir-là, je n’ai pas vu un chef d’État, ni un souverain pontife, j’ai vu un pasteur. Le pasteur des pasteurs. Et, déjà, mes larmes coulaient.

Un pontificat de souffle et de combat

Pendant douze ans, il a porté l’Église comme on porte un fardeau d’amour. Sans fuir. Sans détour. Il aurait pu choisir la facilité, le confort du palais apostolique, les formules toutes faites. Mais non. Il a quitté les appartements pontificaux, a refusé les dorures, s’est installé à la maison Sainte-Marthe. Il a lavé les pieds de femmes, de migrants, de détenus. Il s’est rendu dans les périphéries du monde, celles où l’on ne voit jamais de pape.

Il a dénoncé la « mondialisation de l’indifférence », la dictature de la finance, la violence faite à la planète. Laudato si’ n’est pas une encyclique comme les autres. C’est un cri. Un chant d’amour blessé pour notre terre. Il a voulu une Église en sortie, une Église qui soigne au lieu de condamner. Il a ouvert les synodes à la parole du peuple de Dieu. Il a osé écouter, même ceux qui dérangent. Il a défendu la dignité des personnes LGBTQ+, des divorcés remariés, des femmes, sans jamais brader la foi. Il a montré que l’Évangile n’est pas une prison mais une promesse.

Un homme libre, un cœur immense

Ce qui faisait la force de François, ce n’était pas seulement ses discours, c’était sa manière d’être. Sa simplicité. Son humour. Ses regards pleins de tendresse. Ce petit geste de se pencher vers un enfant, cette main posée sur l’épaule d’un sans-abri, cette larme partagée avec une mère endeuillée. Il ne cherchait pas la lumière, il éclairait sans s’en rendre compte.

Il avait le don de faire exister chacun. De dire « toi, tu comptes », même sans parler. Il ne jugeait pas, il accueillait. Il ne faisait pas la morale, il annonçait la miséricorde. Il savait que Dieu aime d’abord. Et il l’a rappelé sans relâche.

Je crois que l’Église n’a pas fini de comprendre ce que cet homme lui a offert. C’est peut-être dans sa mort, aujourd’hui, que nous prenons toute la mesure de son héritage. Il n’était pas parfait, non. Il a été critiqué, combattu, même trahi. Mais il n’a jamais renoncé à aimer.

Une peur, un espoir

Et maintenant ? Maintenant que ses sandales sont vides, que la place Saint-Pierre retentit d’un silence étrange, je ressens, au-delà de la peine, une peur. Peur qu’on referme la porte qu’il avait entrouverte. Peur qu’on fasse marche arrière. Peur qu’on oublie les pauvres, les cabossés, les migrants, les femmes, les exclus. Peur qu’un nouveau pape revienne à une Église d’apparat, de pouvoir, d’entre-soi.

Mais je veux croire que l’Esprit souffle encore. Que les graines qu’il a semées germeront, même au milieu des cailloux. Que des femmes et des hommes de foi, dans chaque paroisse, chaque quartier, chaque pays, continueront son œuvre. Qu’un jeune garçon, quelque part, l’a vu à la télé un jour, et s’est dit : « Moi aussi, je veux aimer comme ça. »

Adieu François, et merci

Aujourd’hui, le monde pleure. Mais ce n’est pas un deuil vide. C’est un chant de gratitude. Un grand merci. Merci pour les gestes, les paroles, les silences, les combats. Merci pour avoir montré que le pape pouvait être un frère. Que la foi pouvait être douce et forte à la fois. Que Dieu n’est pas une idée, mais un visage plein de tendresse.

Merci d’avoir été, jusqu’au bout, un témoin du Ressuscité.

Repose en paix, François. Repose dans la lumière de Celui que tu as tant aimé.

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