Alléluia, les cloches sont revenues (et moi aussi)
Chronique d’un paroissien à moitié ressuscité mais entièrement joyeux
Dimanche de Pâques. Tu parles d’un scoop : Jésus est ressuscité. Comme chaque année. Il a beau faire ça depuis plus de deux mille ans, il réussit encore à nous surprendre. Comme si on ne s’y attendait pas, tiens. Et pourtant, chaque fois, ça me cueille. Dans mon banc d’église, un peu froissé de mes vendredis personnels – tu sais, ces petits calvaires du quotidien, faits d’agendas impossibles, d’indifférences politiques bien léchées et de réunions où on dit « inclusion » sans même penser à ouvrir la porte.
Et là, bim. La lumière déborde du tombeau vide comme une cloche détraquée déborde de chocolat : trop, tout d’un coup, partout. Ça déborde de chants, de fleurs, d’encens (beaucoup trop d’encens), de sourires gênés mais sincères. Une joie qui n’a rien à voir avec celle des pubs de parfum ou des discours de ministres en visite dans un centre social pour « prendre le pouls du terrain ». Non. Une joie qui sent la croûte de la vie, les échecs recousus, la fatigue d’aimer sans retour garanti.
Parce que soyons clairs : ressusciter, ce n’est pas une blague. Ce n’est pas un spa spirituel. C’est une révolution intérieure avec des traces de boue. Une gymnastique du cœur qui demande un sens de l’humour hors norme et une foi qui n’a pas peur du ridicule.
Et Jésus, lui, il a mis la barre haut. Il sort du tombeau – propre, vivant, sans un mot plus haut que l’autre – et il va voir les types qui l’ont laissé tomber. Genre « coucou, c’est moi, alors ce Golgotha, vous avez aimé le spectacle ? ». Mais non. Il dit : « La paix soit avec vous ». Tu m’étonnes qu’ils aient flippé. C’est comme si tu rentrais dans un comité ministériel après avoir été viré à tort, et que tu saluais tout le monde avec des fleurs.
Pâques, c’est l’anti-Twitter. Pas de revanche, pas de threads incendiaires, pas de « j’ai des dossiers ». Juste un souffle. Juste « n’aie pas peur ». Pas mal comme ligne éditoriale, non ? On pourrait peut-être s’en inspirer dans certaines réunions au CNLE, tiens.
Alors moi, j’essaie. De ressusciter, version artisanale. Par petites touches. En râlant un peu, en traînant la patte, mais en gardant cette fichue petite braise d’espérance qui refuse de crever. Celle qui croit que même nos institutions peuvent avoir une âme. Que même un élu peut entendre un pauvre sans sortir sa montre. Que la parole de ceux qui galèrent vaut plus que les powerpoints de ceux qui les observent.
Je ne suis pas Jésus (ça se saurait), mais j’ai vu des résurrections autour de moi. Des vraies. Une mamie qui rit en plantant des tomates. Un gars sorti de la rue qui s’inquiète pour les autres. Une jeune fille qui parle d’avenir comme si c’était encore permis. Un responsable qui ose dire « je me suis trompé » – celui-là, il mériterait une statue. En carton, certes, mais quand même.
Alors oui, ce matin, j’ai chanté. Pas très juste, mais avec le cœur. J’ai serré des mains, j’ai dit « Christ est ressuscité » à des gens qui n’avaient rien demandé, j’ai souri à un gamin qui me tirait la langue comme s’il me disait : toi aussi, t’es vivant ou tu fais semblant ?
Et là, j’ai su. Que la résurrection, ce n’était pas une performance de foi. C’était une lente reconquête de soi, un refus poli mais obstiné de pourrir dans son tombeau intérieur. C’était la tendresse plus forte que le cynisme. L’humour plus fort que la déprime. Et l’amour… plus fort que tout le reste.
Dieu ne revient pas pour juger. Il revient pour dire : « Vous pensiez que c’était fini ? Attendez voir… »

