Marine Le Pen inéligible : une justice qui frappe vite… peut-être un peu trop fort

Le 31 mars 2025, la justice a parlé. Marine Le Pen, présidente du Rassemblement National, a été condamnée à quatre ans de prison — dont deux avec bracelet électronique (connectée jusqu’au bout) — à 100 000 euros d’amende, et, surtout, à cinq ans d’inéligibilité applicables immédiatement. Une décision qui a provoqué une onde de choc dans la classe politique et bien au-delà.

Je n’ai jamais soutenu Marine Le Pen. Et pour être clair, c’est même contre les idées du Front National, à l’époque de son père, que mon engagement est né. Quand Jean-Marie Le Pen faisait la une avec ses outrances, j’étais de ceux qui ne se contentaient pas de hausser les épaules. J’ai toujours considéré que l’extrême droite n’était pas une option pour la République, et je n’ai jamais varié.

Mais il y a un principe auquel je tiens autant qu’à mes convictions : le respect de la démocratie. Et aujourd’hui, je ne comprends pas que l’on puisse rendre exécutoire une peine d’inéligibilité avant même que les voies de recours aient été épuisées, empêchant ainsi la candidature de celle qui, que cela plaise ou non, est donnée favorite pour l’élection présidentielle de 2027.

Une procédure judiciaire, ou un coup de sifflet prématuré ?

La justice, dit-on, doit être impartiale et indépendante. Je le crois. Mais ici, le sentiment d’une précipitation politique s’impose. Ce n’est pas rien d’écarter de la course à l’Élysée une candidate majeure, en cours de procédure, sur une décision non définitive. C’est comme disqualifier le coureur de tête au milieu de la course, parce que son dossard aurait été mal cousu. On comprend l’intention, mais on s’interroge sur le timing.

Je ne minimise pas les faits. Détourner des fonds publics est grave. Encore plus quand on prétend incarner l’ordre, la rigueur et la probité. Mais entre sanctionner une infraction et empêcher un choix électoral majeur, il y a une ligne qu’il faut franchir avec prudence.

Le peuple privé de choix, la République prise au piège

Car le fond du problème est là : ce n’est pas Marine Le Pen qu’on prive de l’élection, c’est le peuple qu’on prive de son droit de trancher. Et c’est cela, moi, qui m’inquiète. On ne combat pas une candidate par voie judiciaire quand le combat devrait se faire sur le terrain politique, à la loyale, devant les urnes. À moins qu’on ne préfère, désormais, trier les bulletins avant même qu’ils ne soient imprimés.

Soyons sérieux : empêcher la candidate la plus en tête des intentions de vote de se présenter, avant même que la cour d’appel n’ait rendu son verdict, ce n’est pas rien. Et ce n’est pas anodin. Si la démocratie, c’est le peuple qui choisit, alors le peuple doit pouvoir le faire même — et surtout — quand ce choix dérange.

Une victoire de justice ? Peut-être. Une défaite démocratique ? Assurément.

En refusant à des millions d’électeurs le droit de voter pour celle ou celui qu’ils auraient choisi, on prend le risque de creuser un peu plus la méfiance, le soupçon, et de nourrir ceux qui ne rêvent que d’une chose : dénoncer un système verrouillé, truqué, illégitime. C’est exactement le carburant dont se nourrissent les extrêmes. Ironie du sort : en voulant empêcher Le Pen de gagner, on lui offre une posture de victime… et un boulevard rhétorique.

On m’opposera que la justice est dans son rôle. Certes. Mais la démocratie aussi est dans le sien. Et il est parfois bon de se souvenir que le suffrage universel ne saurait être contourné, même avec les meilleures intentions du monde.

Je suis, je reste, et je resterai fermement opposé aux idées portées par Marine Le Pen et son parti. Mais je suis tout autant attaché au droit, pour chaque citoyen, de pouvoir choisir librement son ou sa présidente. C’est cela, la démocratie : parfois inconfortable, souvent dérangeante, mais toujours précieuse.

 

Vous aimerez aussi...