TRIBUNE – Moi, démocrate-chrétien, trahi par Emmanuel Macron
En 2017, j’ai voulu y croire.
J’ai cru qu’il était possible de faire renaître une politique du centre fondée sur l’exigence, la dignité, le bien commun. J’ai cru qu’on pouvait conjuguer justice sociale et responsabilité individuelle, Europe et souveraineté, solidarité et performance. Emmanuel Macron se présentait comme celui qui dépasserait les clivages, réconcilierait les contraires, et réanimerait une vie politique atone.
Moi, démocrate-chrétien, orphelin d’un véritable foyer politique depuis des années, j’ai vu dans cette promesse un espoir. L’espoir d’un humanisme républicain assumé. L’espoir de voir le centre retrouver sa fonction essentielle : celle de pont, de colonne vertébrale, de conscience.
Mais la désillusion est arrivée. Vite.
Dès le premier quinquennat, les mots ont commencé à sonner creux. La verticalité du pouvoir s’est installée. Les corps intermédiaires ont été marginalisés. Le dialogue social est devenu un rituel vide. Le Parlement, une chambre d’enregistrement. Et les plus fragiles ? Des variables d’ajustement budgétaire.
En 2022, nous avons vu un pouvoir sourd aux colères, fermé aux nuances, méfiant vis-à-vis de tout ce qui s’organise en dehors de lui. Les réformes se sont enchaînées, mais toujours avec la même méthode : passage en force, technocratie toute-puissante, absence d’écoute réelle.
Et nous voilà en 2025. Le temps du dégoût.
Le décret sur les droits et devoirs des allocataires du RSA a franchi une ligne rouge. Derrière les mots d’« accompagnement », on installe le soupçon, la menace, la sanction. Derrière la responsabilisation affichée, on culpabilise les pauvres. On les transforme en suspects. On les réduit à une suite de démarches absurdes, à défaut de leur proposer un avenir.
Emmanuel Macron et François Bayrou ont tué le centre, froidement, cyniquement, en prétendant l’incarner. Sous couvert de modération et de « transcendance des clivages », ils ont méthodiquement rallié la droite autoritaire, méprisé les pauvres, détricoté les solidarités, marginalisé les voix discordantes. Le « ni droite ni gauche » s’est révélé être un « très à droite, sans contre-pouvoir ». Le centrisme d’équilibre, d’écoute, de responsabilité sociale a été remplacé par un pouvoir vertical, technocratique, sourd aux fragilités. Bayrou, jadis porte-voix d’une démocratie exigeante, n’est plus qu’un fusible docile, greffé à Matignon pour sauver l’illusion d’un gouvernement d’union, alors qu’il n’est qu’un exécutant d’une ligne brutale. Ce duo-là n’a pas transcendé le clivage : il l’a enterré, dans une fosse commune où s’empilent le Pacte des solidarités, la participation citoyenne, le dialogue social, et l’espoir d’une politique du bien commun. Ils ont accaparé le centre pour mieux le vider de sa substance. Ils l’ont trahi. Et ils ont osé le faire au nom de la République.
Et pourtant, je ne me résigne pas.
Je reste convaincu que la démocratie chrétienne, dans son exigence sociale, dans sa fidélité à la personne humaine, dans son attachement à la justice et à la subsidiarité, a encore quelque chose à dire à notre pays.
Je refuse de laisser le centre devenir un cimetière d’espérances.
Il est temps de se relever. De reconstruire. De faire entendre à nouveau cette voix singulière : celle de l’engagement pour le bien commun, de la fidélité aux plus fragiles, du dialogue et de l’action.
Parce qu’on peut être démocrate-chrétien, et refuser l’hypocrisie.
Parce qu’on peut être humaniste, et ne pas se contenter des mots.
Parce qu’on peut être au centre, et avoir encore des convictions.
