La France est en faillite (mais pas de panique, on a encore un cœur et deux neurones)
par Xavier BAUMIER · Publié · Mis à jour

Tribune d’un citoyen pas tout à fait résigné
Alors voilà : la France est en faillite.
C’est dit.
On n’a plus un rond, plus une tune, plus un kopek. L’État tire sur la corde, les collectivités vendent leurs meubles, les associations font la quête pour acheter du scotch et les hôpitaux ressortent les bandages d’avant l’euro.
Mais alors, que fait le gouvernement ?
Eh bien… il « réaffirme ses priorités », il « réalise des arbitrages courageux », et surtout, il « croit en l’innovation ».
Traduction : on coupe dans tout ce qui soigne, instruit, nourrit ou soutient, et on subventionne des plateformes de signalement de la pauvreté numérique gérées depuis un open space à Dubaï.
Et pourtant, il reste une bonne nouvelle :
On n’a pas de pétrole… mais on a des idées.
Et mieux encore : on a des gens qui, malgré la faillite comptable, tiennent debout moralement. Des femmes et des hommes qui continuent à croire que la République n’est pas qu’un mot sur les frontons d’école, mais un engagement du quotidien.
Miser sur la solidarité
Vous vous souvenez de ce mot ? « Solidarité » ? Ce n’est pas un dispositif fiscal. C’est ce truc un peu fou qui pousse des bénévoles à servir des repas chauds à des inconnus, des retraités à accompagner les devoirs, et des gamins à partager leur goûter avec celui qui n’a rien.
Et ça, vous voyez, c’est notre meilleure richesse.
Pas taxable, pas cotée en bourse, pas mesurable en points de croissance, mais redoutablement efficace pour éviter l’effondrement total.
Quand l’État bricole des aides d’urgence en oubliant d’écouter ceux qu’il prétend aider, les solidarités de terrain, elles, réparent en silence ce que les grandes annonces cassent.
Dans ce pays « en faillite », il y a encore des accueils de jour, des centres sociaux, des collectifs de quartier où l’on soigne les blessures invisibles à coups de café, de sourires francs et de système D.
Miser sur la santé
Ah, la santé…
Il paraît que c’est « la priorité du quinquennat ».
C’est la première fois qu’on voit une priorité aussi abandonnée sur le bord de la route.
Des services d’urgence qui ferment, des maternités sacrifiées, des médecins épuisés, et des patients qui, entre deux heures d’attente, se disent qu’ils auraient peut-être dû naître au bon endroit.
Mais malgré tout, la santé publique tient debout.
Grâce à des infirmières qui dorment dans leur voiture entre deux gardes, des médecins généralistes qui refusent de lâcher leurs patients, et des secrétaires médicales qui sont aussi psychologues, médiatrices sociales, confidentes et centrales téléphoniques humaines.
Ce sont eux les piliers. Pas les circulaires.
Et quand tout craque, il reste ce regard tendre posé sur un malade, ce « ça va aller » dit au bord des larmes.
C’est ça, la médecine française. Humaniste, tenace. Républicaine dans le sens noble du mot.
Miser sur l’école
L’école, parlons-en.
On y forme les citoyens de demain, avec des bâtons de colle secs, des classes à 32 et un chauffage qui marche une semaine sur deux.
Et pourtant, les profs tiennent.
Avec des bouts de ficelle, un sens du devoir quasi mystique, et l’impression qu’à chaque rentrée, on leur file une mission impossible.
Mais ils y croient.
Ils enseignent, transmettent, corrigent.
Ils voient encore dans chaque môme une promesse — pas un cas à gérer, pas un quota à remplir, mais une personne à élever.
Et puis il y a ces enfants.
Qui posent mille questions, qui dessinent des soleils dans les marges, et qui, quand on les prend au sérieux, révèlent une intelligence du cœur que peu de gouvernements peuvent se vanter d’avoir.
Miser sur ce qu’il nous reste de commun
Oui, la France est en faillite.
Mais au lieu de radoter qu’on n’a plus de moyens, posons-nous cette simple question :
Et si on misait enfin sur ce qu’on a de plus précieux, de plus fragile, et de plus porteur d’avenir ?
Plutôt que de chercher le salut dans la croissance en apesanteur ou l’innovation hors-sol, misons sur ce qui soigne, ce qui relie, ce qui apprend à vivre ensemble.
La solidarité.
La santé.
L’école.
C’est peut-être tout ce qu’il nous reste.
Mais c’est déjà énorme.

