Pourquoi je ne suis pas à l’aise avec le mouvement « Bloquons tout » du 10 septembre

Le 10 septembre, des collectifs appellent à « bloquer le pays » : routes, transports, commerces, banques. L’idée paraît radicale, presque héroïque. Mais derrière ce mot d’ordre séduisant, je ressens un malaise profond.

Car d’abord, il faut rappeler l’origine de ce mouvement. « Bloquons tout » n’est pas né d’un sursaut citoyen spontané. Ses racines plongent dans des cercles souverainistes et conspirationnistes, dont les références idéologiques flirtent dangereusement avec l’extrême droite. On ne peut pas, d’un côté, prétendre défendre le peuple, et de l’autre, reprendre les codes d’une mouvance qui l’a toujours méprisé et divisé.

Ensuite, il y a la récupération politique. Très vite, La France insoumise a affiché son soutien officiel. Jean-Luc Mélenchon lui-même a appelé à la grève générale en épousant le calendrier du 10 septembre. Une colère sincère, née d’en bas, se voit ainsi absorbée par une logique partisane. Au lieu de libérer une énergie populaire, on la canalise au profit d’une stratégie politique. Cela fausse le jeu.

Le calendrier, lui aussi, interroge. Le 10 septembre tombe à peine deux jours après un vote de confiance sollicité par François Bayrou à l’Assemblée nationale. Le gouvernement est déjà en équilibre instable, et peut même être renversé. Faut-il vraiment ajouter à cette fragilité institutionnelle un blocage du pays qui pénalisera surtout les usagers des transports, les travailleurs précaires, les familles qui galèrent déjà à joindre les deux bouts ? Le pays n’a pas besoin d’être bloqué : il l’est déjà par un exécutif qui a perdu le sens de l’action et ne gouverne plus que par la contrainte.

J’entends la colère, je comprends la résignation. Mais je ne crois pas que bloquer nos concitoyens, les empêcher d’aller travailler, d’emmener leurs enfants, de vivre déjà une vie compliquée, fasse avancer notre cause. On ne gagne pas la bataille sociale par la souffrance de ceux qu’on prétend défendre.

C’est pourquoi j’ai confiance dans une autre voie : celle des syndicats. Ils appellent à une grève générale un peu plus tard en septembre. Ils ont la légitimité, l’organisation, l’expérience et la crédibilité pour construire un rapport de force avec le gouvernement. Pas besoin d’improviser des blocages pour faire du bruit : une mobilisation massive, organisée et responsable, peut porter bien plus loin.

Non, il n’est pas nécessaire de « bloquer tout ». Ce dont nous avons besoin, c’est d’ouvrir des perspectives. Le pays n’attend pas des murs, mais des portes. Et c’est par une action collective structurée, par une contestation qui rassemble au lieu de diviser, que nous pourrons faire entendre les aspirations profondes des Français.

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