La gauche angevine veut « Demain »… mais saura-t-elle survivre à aujourd’hui ?

Je vais être honnête avec vous — c’est plus simple que de prétendre. On ne m’attend pas vraiment sur ce terrain-là. Parler de la gauche ? Moi ? Ce n’est pas exactement mon pré carré. Je n’ai jamais milité pour le PS, encore moins pour EELV, et je suis resté allergique aux postures de LFI. Non, je ne suis pas « de gauche ». Toujours pas. Mais je suis d’Angers. Et ça, pour le coup, depuis 41 ans. Et quand on aime une ville comme on aime un membre de sa famille, on s’inquiète de ce qu’elle devient — et de ceux qui prétendent la gouverner.

Alors voilà : aujourd’hui, je vous parle de la gauche angevine. Oui. Celle qui, pendant vingt-cinq ans, a façonné cette ville avant d’en perdre les clés en 2014. Une gauche qui revient avec une promesse un peu folle : organiser une primaire ouverte, citoyenne, pour choisir son candidat ou sa candidate pour 2026. Une gauche qui, peut-être, s’est enfin décidée à réapprendre à marcher sur ses deux jambes sans se tirer une balle dans le pied.


🎭 Un casting cinq étoiles (ou presque)

Le collectif « Demain Angers », qui regroupe une bonne partie des sensibilités de la gauche locale, a donc lancé une primaire ouverte, démocratique, à un euro symbolique. C’est à la fois modeste, malin… et un peu risqué. Car ouvrir le jeu, c’est aussi s’exposer aux coups.

Voici les cinq personnalités qui aspirent à incarner ce renouveau :

🔸 Silvia Camara-Tombini (PS) : ancienne adjointe à la vie associative, socialiste fidèle, déjà candidate en 2020. Battue, certes, mais toujours debout. Elle connaît la maison, les couloirs, les dossiers. Elle est de ceux qu’on appelle des « expérimentés » — ce qui, en politique, signifie souvent qu’on a autant de cicatrices que d’idées nouvelles.

🔸 Romain Laveau (EELV) : militant écolo depuis le siècle dernier (ou presque), il défend une écologie de terrain, parfois rugueuse, souvent sincère. Mais il traîne aussi la réputation d’un homme difficile à fédérer, et a déjà vu la défaite de près. L’écologie à Angers, malgré le verdissement des discours, n’a jamais vraiment conquis les urnes.

🔸 Céline Véron (Place Publique) : la plus « société civile » du lot, même si elle siège déjà au conseil régional. Enseignante, militante des droits humains, elle incarne cette nouvelle gauche éthique, inclusive, horizontale. Elle pourrait séduire un électorat plus jeune, mais elle devra exister dans une campagne dominée par des noms plus connus.

🔸 Étienne Mater (Angers en Commun) : profil discret, ancré localement, sans étiquette mais avec une certaine constance dans l’engagement. Il se dit « citoyen avant tout », ce qui, dans le langage politique, signifie souvent qu’on espère échapper aux querelles de chapelle — tout en risquant de n’avoir aucun toit sous lequel se protéger.

🔸 Noam Leandri (Angers Coopérative) : haut fonctionnaire, spécialiste reconnu des politiques de lutte contre la pauvreté, président du collectif ALERT, membre du CNLE. Jamais élu, mais redoutablement sérieux. Il apporte une expertise sociale rare, et un profil atypique. Trop techno ? Trop engagé ? Trop indépendant ? On verra. Mais il détonne.

👉 Chacun a ses qualités, ses limites, ses angles morts. Et c’est tant mieux. Car une vraie primaire ne doit pas opposer des sosies, mais offrir des choix. Des vraies différences. Des débats d’idées, pas des compétitions d’ego.


⚖️ Le jugement majoritaire : la petite révolution tranquille

Le collectif a fait le choix d’un mode de scrutin original : le jugement majoritaire. Plutôt que de voter « pour » un seul, on évalue chacun des candidats sur une échelle allant de « Très bien » à « À rejeter ». Ce n’est pas une farce pédagogique, c’est une méthode sérieuse, testée, qui limite le vote utile, la stratégie, et surtout, favorise le consensus positif plutôt que la haine du moins pire.

Un mot : bravo. Ça change des investitures entre deux portes dans un local syndical.


🧠 Mais attention à ne pas tout gâcher

Ce serait tellement « gauche » — au mauvais sens du terme — que de transformer cette belle tentative en bataille de petits chefs, en querelles de logos, en discussions byzantines sur la 18e place de la liste.

Non, Angers n’a pas besoin d’une gauche qui ressasse, qui ressoude les vieilles cliques, qui réactive les vieilles rancunes. Elle a besoin d’une gauche qui respire, qui surprend, qui rassemble.

Et cette gauche ne renaîtra pas si chaque composante commence à vouloir son « ticket », son « adjoint naturel », son « poids politique ». La seule chose qu’il faut peser, c’est la confiance des citoyens. Pas les rapports de force internes.


🧱 Ce que nous dit le passé… et ce qu’on pourrait faire autrement

Pendant vingt ans, Jean-Claude Antonini a incarné cette gauche angevine qui savait faire alliance. Avec ses maladresses, certes, ses petits arrangements, mais aussi une vraie capacité à embarquer du monde : communistes, radicaux, écologistes, syndicats, associations… Il parlait d’urbanisme, de solidarité, de culture, et même de fleuve — avec conviction.

Ce modèle a pris l’eau. En 2014, puis en 2020, les divisions de la gauche ont laissé le champ libre à Christophe Béchu, qui a ensuite filé à Paris, oublié sa ville, et rêvé de présidentielle sous la bannière d’Édouard Philippe. Depuis ? Une gouvernance centrée sur le pouvoir, pas sur les gens.

La gauche a une chance. Mais elle n’en aura pas deux.


❤️ Et moi, dans tout ça ?

Non, je ne suis pas de gauche. Et pourtant, j’écris ces lignes avec l’espoir que cette primaire ne soit pas une farce mais un acte politique sincère.

Car moi, j’aime ma ville. Viscéralement. Et je crois que la politique locale peut encore être le lieu d’un réveil démocratique. D’une reconquête. D’un nouveau récit.

Pas besoin d’être socialiste ou écologiste pour le souhaiter. Juste d’être Angevins, et de ne pas vouloir laisser notre ville entre les mains des technocrates, des communicants, ou des ambitieux désinvoltes.


🔚 En résumé ?

La gauche angevine n’est pas morte. Elle est convalescente. Mais elle respire encore. Et peut-être qu’en juin, elle se remettra debout. Pour de bon.

En tout cas, elle a une fenêtre. Et ce serait ballot de la refermer à coups d’intrigues de couloir.

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