Gazette, gazette, dis-moi qui parle le plus bêtement ?
Parfois, la vie publique, c’est comme les émissions de télé-réalité : on pense gérer son image, et puis soudain, on se retrouve en gros plan, les yeux mi-clos, l’air hagard, à dire une phrase qu’on n’a jamais dite. Et là, c’est le drame.
Je vous rassure tout de suite : en écrivant ici, je n’engage ni le CNLE, ni la République, ni même mon .voisin (et pourtant, il a parfois plus de sagesse que moi). Ce blog est mon petit carnet de bord, un espace de parole libre, où je raconte mes aventures de membre engagé du Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale – que tout le monde appelle le CNLE, sauf quand on veut vraiment impressionner dans les dîners.
Alors voilà. La semaine dernière, double interview. Deux journalistes, deux médias, deux visions du journalisme. Le premier ? Libération, impeccable. Clair, fidèle à mes propos, sans raccourci ni extrapolation. Il a respecté ce que j’avais dit, et surtout ce que je n’avais pas dit. On aurait pu lui décerner une médaille de la nuance (si tant est qu’un jour quelqu’un songe à créer ce prix).
Le deuxième ? Ah, le deuxième… La Gazette, ou devrais-je dire « La Gaffe-zette »… Ce cher média m’a prêté des propos que je n’ai jamais tenus. Cerise sur le micro : ces propos engageaient le CNLE. Rien que ça. Moi qui, lors de la co-présidence d’un groupe de travail, avais rappelé – comme le prévoit notre fonctionnement – que seule la parole du président (ou d’une personne désignée) était habilitée à représenter le Conseil. Quelle ironie ! Le gars qui rappelle la règle se fait piéger par sa propre naïveté.
La vérité ? J’ai été con (mot qui n’engage que moi, promis). J’ai fait la bêtise de ne pas demander la relecture de l’article avant publication. Par flemme, par confiance, par distraction, par… vous choisissez. Résultat : mes propos transformés en parole officielle, alors que le CNLE n’avait même pas encore validé l’avis en question. Vous imaginez ? On a presque l’impression d’un spoiler institutionnel : “Attention, ce Conseil n’a pas encore décidé, mais on vous balance quand même la fin !”
Eh bien non. Le CNLE, ce n’est pas Netflix. On ne spoile pas. On débat, on rédige, on amende, on valide collectivement. Et tout ça, dans l’ombre, souvent. Car il faut bien le dire : notre Conseil est utile, mais méconnu. Ce blog, c’est aussi pour ça. Pour lever le rideau, vous montrer l’envers du décor, et vous faire découvrir ce travail discret, rigoureux, profondément humain, que nous faisons pour que les politiques publiques soient un peu moins aveugles à la pauvreté.
Alors oui, je me suis fait avoir. J’ai appris. Je ne referai pas deux fois la même erreur (enfin… j’essaierai). Et surtout, j’espère que vous saurez, à travers mes lignes, lire autre chose qu’un simple mea culpa : une invitation à mieux comprendre ce qu’est le CNLE, à prendre conscience de ce qu’il porte, et à ne pas confondre engagement personnel et parole institutionnelle.
Car entre l’opinion d’un homme et la voix d’un Conseil, il y a un monde. Et croyez-moi, c’est pas la Gazette qui en détient les clefs.
