Une rentrée sous tension : pauvreté, CNLE et bataille politique
Chaque année, la rentrée est synonyme de cahiers neufs, de cartables prêts à l’emploi et de bonnes résolutions vite oubliées. Mais cette année, la rentrée n’a rien d’ordinaire. Elle s’annonce brûlante – et pas seulement à cause des canicules à répétition. Brûlante sur le plan institutionnel, sociale sur le terrain, et politique dans les urnes.
Car si les agendas ministériels ont ralenti en juillet et août, la pauvreté, elle, n’a pas pris de vacances. Les files devant les distributions alimentaires se sont allongées, les demandes de logement social continuent d’exploser, et les bénévoles d’associations locales témoignent d’un afflux inédit de familles en détresse. Les chiffres de l’INSEE publiés cet été sont là pour le rappeler, de manière implacable : 14,5 % de la population vit sous le seuil de pauvreté. Les familles monoparentales sont touchées deux fois plus que les autres, et plus d’un enfant sur cinq vit dans un ménage pauvre. Ce constat, le CNLE – Conseil national des politiques de lutte contre la pauvreté et l’exclusion sociale – l’a documenté tout au long de l’année, montrant combien les politiques récentes, loin de réduire la fracture, l’approfondissent. Dans ce contexte, la rentrée ne sera pas une reprise en douceur, mais une montée en tension.
Sur le plan national, le gouvernement a décidé de faire sa rentrée sociale sur le thème du contrôle et des sanctions. Le fameux décret relatif au RSA, entré en vigueur cet été, instaure un régime punitif inédit : désormais, les allocataires risquent des suspensions automatiques de leur allocation en cas de manquement, parfois pour des motifs aussi absurdes qu’un retard de rendez-vous ou une absence justifiée mais mal transmise. Au CNLE, nous n’avons cessé d’alerter : on ne sort pas de la pauvreté sous la contrainte, mais en accompagnant, en formant et en donnant des perspectives réelles. Les travaux conduits entre septembre 2024 et juillet 2025 rappellent que la pauvreté est multidimensionnelle – logement, emploi, santé, isolement – et que la réponse doit être globale, pas disciplinaire.
Les constats de l’INSEE viennent renforcer ce diagnostic. Plus d’un million d’enfants vivent dans une famille monoparentale en situation de pauvreté, le non-recours atteint près de 40 % des personnes éligibles au RSA, et les travailleurs pauvres sont désormais une réalité structurelle : avoir un emploi ne garantit plus d’échapper à la précarité. Bref, le vernis craque, et ce n’est pas un coup de peinture réglementaire qui masquera les fissures.
Au sein du CNLE, nous avons vu monter la colère et l’épuisement. La participation des personnes en situation de pauvreté, désormais institutionnalisée, a permis de remettre des mots concrets derrière les chiffres. Ceux qui vivent la pauvreté au quotidien l’ont dit : « nous ne sommes pas des dossiers, mais des vies ». Les rapports publiés depuis l’automne dernier ont souligné combien les inégalités territoriales sont criantes, combien les politiques publiques restent trop éloignées de la réalité, et combien l’absence de dialogue nourrit la défiance. La rentrée du CNLE sera donc tout sauf calme : il faudra continuer à interpeller, à proposer, à mettre en lumière ce que beaucoup préféreraient taire.
Mais la rentrée n’est pas seulement nationale. Elle est aussi locale et politique. À Angers, la campagne des municipales est entrée dans une nouvelle phase. La primaire de juin a désigné Romain Laveau comme chef de file de la gauche écologiste et citoyenne, et Noam Léandri s’y est engagé pleinement. À leurs côtés, nous travaillons à porter une vision alternative pour notre ville, loin des logiques clientélistes et de la gestion comptable qui étouffent la vie démocratique locale depuis plus de dix ans. Notre engagement est clair : construire une ville progressiste qui assume de mettre l’humain avant le béton, une ville écologiste qui prépare l’avenir au lieu de le sacrifier à des aménagements à courte vue, une ville solidaire qui ne laisse personne sur le bord du chemin. Car oui, à Angers aussi, la pauvreté n’a pas pris de vacances. Oui, les loyers explosent. Oui, les listes d’attente pour un logement social s’allongent. Oui, les familles isolées, les jeunes précaires et les migrants peinent à trouver leur place. Et face à cela, il ne s’agit plus seulement de commenter mais d’agir et de proposer une alternative crédible.
Cette rentrée sera chaude, dans tous les sens du terme. Chaude socialement, parce que les inégalités atteignent un niveau intenable et que les réponses actuelles aggravent au lieu de résoudre. Chaude institutionnellement, parce que le CNLE, avec d’autres acteurs, sera en première ligne pour rappeler l’exigence d’une politique de solidarité digne de ce nom. Chaude politiquement, parce que les Angevins, dans quelques mois, auront à choisir : prolonger le système Béchu ou donner sa chance à une alternative progressiste, écologiste et solidaire.
La pauvreté, elle, n’a pas pris de vacances. Et nous non plus. La rentrée n’est pas le temps des promesses, mais celui des luttes, des engagements et de l’espérance.

