« Réparation » de Mgr François Bustillo : pourquoi il faut le lire sans attendre

Dans son nouveau livre, Mgr François Bustillo prend acte de ce que beaucoup ressentent sans toujours réussir à le dire : nous vivons dans un monde fatigué, abîmé, où les relations humaines sont devenues fragiles, parfois blessées. À l’heure où la violence verbale et symbolique s’invite partout — des réseaux sociaux aux repas de famille, des débats politiques aux relations de voisinage — il choisit d’aller à contre-courant en parlant de « réparation ». Ce terme, qui peut sembler austère au premier abord, devient sous sa plume un mot d’espérance. Réparer n’est pas seulement recoller les morceaux, c’est bâtir autrement, renouer avec le désir d’un monde où la justice, la bienveillance et la paix ne seraient pas des slogans mais une expérience concrète.

Le ton adopté par l’auteur tranche avec la tentation moralisatrice que l’on trouve parfois dans les discours religieux. Bustillo ne condamne pas, il n’invective pas. Il propose. Il ouvre un chemin. Il nous invite à prendre conscience de cette « misère affective » qui mine nos sociétés : une solitude croissante, une dureté relationnelle qui use les individus, une perte du goût de la fraternité. Son diagnostic rejoint les analyses sociologiques ou psychologiques contemporaines, mais il va plus loin : il rappelle que nous ne pouvons pas nous contenter de « rafistoler » les choses. La réparation exige de puiser à une source plus profonde, spirituelle, enracinée dans l’Évangile, qui n’est pas pour lui un code de règles mais une force vivante, capable de transformer nos existences.

Ce qui frappe dans cet ouvrage, c’est sa dimension pastorale. Mgr Bustillo n’écrit pas comme un universitaire détaché, mais comme un pasteur qui connaît la vie des gens. Évêque d’Ajaccio, devenu cardinal, il a vu de près les fractures sociales, économiques et spirituelles de notre temps. Il parle des blessures de notre époque avec une lucidité qui n’est pas désespérée. Là où d’autres s’enferment dans la nostalgie ou le pessimisme, lui ouvre une voie de confiance : celle d’une société qui peut encore se réinventer. La réparation qu’il propose n’est pas une fuite vers un passé idéalisé mais un élan vers un avenir plus humain.

Les thèmes qu’il aborde sont universels : le besoin de réconciliation dans les familles, la nécessité de restaurer la confiance dans la vie sociale et politique, l’importance de bâtir une culture de paix dans un monde miné par la polarisation et la défiance. Il y a aussi une dimension très personnelle dans son appel : chacun, à sa mesure, est appelé à être artisan de cette réparation. Cela ne se joue pas uniquement dans les grandes réformes politiques ou dans les décisions institutionnelles, mais dans nos gestes quotidiens, dans notre manière d’entrer en relation, de pardonner, de faire confiance.

Ce livre résonne aussi comme un signe pour l’Église elle-même. Dans une période marquée par des scandales, des divisions internes et une perte de crédibilité, parler de réparation n’est pas anodin. Bustillo invite à prendre ce mot au sérieux : réparer les blessures de confiance, panser les plaies causées par des fautes, mais aussi retrouver une dynamique de communion. Le chantier de réparation est donc à la fois spirituel, social et ecclésial.

Au final, « Réparation » n’est pas un simple essai de théologie ou de spiritualité réservé aux croyants. C’est un livre qui parle à toute personne soucieuse de comprendre comment sortir de l’usure et de la fragmentation du monde contemporain. On y trouve un diagnostic lucide, un souffle spirituel et un appel à l’action concrète. C’est une lecture salutaire pour celles et ceux qui ne veulent pas se résigner au cynisme ou à l’indifférence, mais qui croient encore que la fraternité, la réconciliation et l’espérance sont possibles.

Lire Bustillo, c’est accepter d’entrer dans une démarche intérieure et collective. C’est se laisser interpeller, non pas pour se sentir coupable, mais pour se sentir responsable. Et c’est redécouvrir que dans un monde abîmé, chacun peut devenir artisan de réparation.