🎩 François Bayrou ou la rigueur des salauds
par Xavier BAUMIER · PubliĂ© · Mis Ă jour

15 juillet 2025 : chronique d’un renoncement social, politique et spirituel
Il fallait oser. Oser faire ce que François Bayrou a fait. Oser annoncer un plan de rigueur un 15 juillet, au lendemain de la fête nationale. Un jour censé célébrer la liberté, l’égalité, la fraternité… Trois mots que ce Haut-Commissaire au Plan — dont le poste tient plus du garage doré que de la vigie républicaine — a méthodiquement rayés de son discours budgétaire, comme on supprime une ligne trop coûteuse sur une feuille Excel.
À la place, nous avons eu droit à une déclaration de guerre. Une guerre sociale, froide, méthodique, menée au nom d’un “effort national” dont les pauvres sont, comme toujours, les premiers à faire les frais — et les derniers à être consultés.
📉 Un pays qui s’appauvrit, un pouvoir qui détourne les yeux
Quelques jours avant ce grand oral du mépris, l’INSEE publiait des chiffres glaçants : 15,4 % de la population vit désormais sous le seuil de pauvreté, soit 9,8 millions de personnes. C’est le niveau le plus élevé depuis 1996. Et la tendance est clairement à la hausse. Parmi les plus touchés :
- 36,1 % des chĂ´meurs
- 34,3 % des familles monoparentales
- 21,9 % des enfants
- 19,2 % des travailleurs indépendants
Ces statistiques ne sont pas abstraites. Elles parlent de vies abîmées. De mères qui sautent des repas. De gosses sans vacances. De retraités qui comptent les pièces pour acheter du Doliprane. Elles devraient faire trembler tout responsable public digne de ce nom. Elles n’ont fait frémir que notre cher François — de satisfaction sans doute.
🪓 La punition plutôt que la protection
Face à ce naufrage, que propose le plan Bayrou ? Rien de moins qu’une radicalisation technocratique de la politique sociale. Il applique — et amplifie — le tristement célèbre décret “remobilisation” du 30 décembre 2023 : le RSA devient conditionnel, assorti d’au moins 15 heures d’activité hebdomadaire, sous peine de suspension. Peu importe si l’accompagnement n’existe pas. Peu importe si l’offre n’est pas là . Peu importe si les allocataires sont malades, isolés, désespérés.
On durcit aussi l’accès aux APL, déjà rabotées par la contemporanéisation. On évoque un « réexamen des remboursements Sécu » : en langage clair, cela veut dire que les lunettes, les soins dentaires, les arrêts de travail, tout ce qui concerne la santé des pauvres sera moins bien couvert. La solidarité devient un luxe optionnel.
Et puis vient la cerise sur le cercueil social : les jours fériés seraient “à revoir”. L’Assomption ? La Toussaint ? Noël ? Trop chers, voyons. Faut-il bosser le 15 août pour sauver le triple A de la France ? Bayrou a lancé l’idée. Quand l’austérité devient théologique, tout est permis.
💶 Toujours les mêmes qui paient, toujours les mêmes qu’on épargne
Mais attention : la rigueur, c’est pour les faibles. Pas pour les puissants. Les 120 milliards d’euros de niches fiscales, elles, restent bien au chaud. Les exonérations patronales ? Sanctuarisées. Les dividendes, les stock-options, les profits des multinationales ? Intouchables. On ne demande pas d’effort aux actionnaires, on tape sur les 607 € du RSA.
Le plan Bayrou n’est pas un budget. C’est un règlement de comptes de classe, une stratégie assumée d’invisibilisation des plus pauvres, au nom de l’“efficacité”. Une efficacité qui ne s’applique jamais aux vrais gaspilleurs : fraudeurs fiscaux, cabinets de conseil, contrats publics absurdes. Là , c’est le silence. Pas d’indicateur. Pas de contrôle.
✝️ Une trahison de la démocratie chrétienne
Mais il y a plus grave encore. Car François Bayrou ne se présente pas seulement comme un vieux centriste. Il se dit aussi démocrate-chrétien. Il invoque souvent la doctrine sociale de l’Église, cite Maritain, Mounier, Schuman, se réclame du personnalisme et du bien commun.
Mais ce qu’il a présenté le 15 juillet est une trahison directe de ces principes. Car la doctrine sociale de l’Église commence par la dignité de la personne humaine, pas par les équilibres budgétaires. Elle parle de préférer les pauvres, de destination universelle des biens, de solidarité réelle, pas de pénalisation des allocataires ni de flicage social.
Faut-il rappeler que le travail n’est pas une punition, que le repos n’est pas un privilège bourgeois, que la justice sociale ne se mesure pas à coups de sanctions automatisées ? Que l’Évangile ne dit pas : “ce que vous ferez au plus petit d’entre vous, passez-le en conditionnalité” ?
Quand on a prétendu toute sa vie servir les valeurs chrétiennes, on ne devrait pas les prostituer au nom d’un tableur Excel.
🤡 Bayrou, l’éthique à géométrie variable
François Bayrou n’est pas un sage. Il est devenu l’idiot utile d’un système qui gouverne par la peur et l’exclusion. Il ne réforme pas : il rationne. Il ne protège pas : il trie. Il ne sert plus le bien commun : il sert l’ordre établi. Et il le fait avec cette morgue tranquille des puissants persuadés d’avoir raison, même contre l’évidence.
C’est peut-être cela, le plus insupportable. Ce mélange de suffisance, de mépris poli, et de certitudes pépères. Ce centrisme devenu cynisme. Cette modération devenue violence.
✊ Nous ne nous tairons pas
Alors non. Nous ne laisserons pas faire. Nous sommes des millions à vivre cette précarité qu’il rend invisible. Des millions à lutter chaque jour pour l’essentiel. Nous savons ce que c’est que d’attendre un droit qu’on vous refuse, de mendier une aide qu’on vous reproche.
Et nous n’avons plus envie de courber l’échine.
Parce que la pauvreté n’est pas une faute. Parce qu’elle n’est pas une ligne de budget. Parce qu’elle a un visage, une voix, une histoire. Parce que la République, si elle n’est pas sociale, n’est plus qu’un décor.
François Bayrou, vous vouliez faire des économies ? Commencez donc par supprimer votre poste. Et rendez-nous la dignité.

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