🧠Quand le RSA étouffe l’émancipation : comment la conjugalisation pénalise les femmes
💶 Un calcul à l’échelle du foyer… et non de l’individu
Le RSA, versé à environ 1,85 million de foyers fin 2023, est calculé en additionnant les revenus de tous les membres du foyer : le RSA est conjugalisé. Cela signifie que dès lors qu’une femme vivant seule se lie à un homme, même à faibles revenus, le calcul intègre ceux de son conjoint, avec pour effet une baisse notable de ses droits.
Par exemple, le montant forfaitaire en 2024, de 607 € pour une personne seule, passe à 911 € pour un couple – soit environ 455 € par personne en l’absence de revenus externes fondationdesfemmes.org+2insee.fr+2caf.fr+2. Cette mécanique génère un effet de dissuasion : se mettre en couple peut signifier perdre plus que ce que l’on gagne.
👩‍👧‍👦 Des femmes précaires, souvent mères, pénalisées
Les statistiques sont sans appel :
- En 2020, 54 % des bénéficiaires du RSA sont des femmes insee.fr+1caf.fr+1.
- Parmi les bénéficiaires du RSA majoré (réservé aux parents isolés), 96 % sont des femmes, et 93 % des foyers bénéficiaires sont monoparentaux, souvent des mères informations.handicap.fr+7insee.fr+7atd-quartmonde.fr+7.
Ainsi, ce sont avant tout des femmes — plus vulnérables économiquement — qui sont exposées aux effets délétères de la conjugalisation. C’est d’abord un frein à leur autonomie, précieuse dans un contexte où elles assurent souvent seules la charge matérielle d’un ou plusieurs enfants.
đźš« Amour ou RSA : un choix contraint
Des témoignages recueillis par ATD Quart Monde indiquent que des femmes retiennent ou dissimulent leur vie en couple « pour préserver une ressource financière primordiale » atd-quartmonde.org+8atd-quartmonde.org+8lemonde.fr+8. Ce sont des relations « à distance », des déclarations tardives à la CAF, ou même des pratiques de non-déclaration — risquées administrativement — simplement pour ne pas perdre le RSA.
💔 Une dépendance invisible mais structurante
La conjugalisation ne se limite pas à un calcul budgétaire : elle construit une dépendance, souvent invisible. Lorsqu’un couple vit à l’économie, la femme sans revenu personnel dépend exclusivement du partenaire. Cela fragilise considérablement sa capacité à agir, quitter une relation, échapper à la violence, ou reconquérir une autonomie personnelle atd-quartmonde.org+12atd-quartmonde.org+12lemonde.fr+12fondationdesfemmes.org.
📊 Des trajectoires longues et précaires
Selon la DREES, un allocataire du RSA sur cinq reste dans le dispositif pendant toute une décennie (2011‑2020), avec des trajectoires marquées par une instabilité économique forte drees.solidarites-sante.gouv.fr. Ce n’est pas un village-général ponctuel : la précarité devient un état stabilisé ou cyclique, dans lequel un droit au RSA peut être repris ou perdu, au gré des situations de couple.
🛡️ L’exemple de l’AAH : la dégonjugalisation comme levier d’émancipation
En octobre 2023, l’Allocation aux Adultes Handicapés (AAH) a été dégonjugalisée : les revenus du conjoint ne sont plus pris en compte pour le calcul. Cela a bénéficié à 22 300 personnes en couple, qui ont vu un gain moyen significatif, renouant avec une indépendance financière réelle informations.handicap.fr.
Ce précédent montre qu’une telle réforme est possible, qu’elle est précédée d’études sérieuses, et que ses impacts économiques ont été pesés — la dégonjugalisation de l’AAH coûtant environ 700 M€, avec 270 000 allocataires concernés, majoritairement en couple apf-francehandicap.org+1informations.handicap.fr+1.
🧮 RSA vs seuil de pauvreté : une marge de dignité inexistante
Le RSA, dont le montant mensuel individuel est de 607 € (ou même 534 € après déduction forfaitaire du logement), se situe bien en dessous du seuil de pauvreté (60 % du revenu médian, soit environ 1 102 €) drees.solidarites-sante.gouv.fr+4atd-quartmonde.fr+4caf.fr+4.
Une femme vivant seule est déjà dans une pauvreté relative, et la conjugalisation aggrave encore cette situation, en supprimant un pan vital de son autonomie.
✅ Vers un RSA émancipateur et féministe
Rejoindre l’exemple de l’AAH aujourd’hui, c’est faire du RSA un instrument de liberté et de sécurité, pas un outil de contrôle social. Il s’agit de :
- Reconnaitre la personne individuelle, même en couple, dans l’attribution du RSA.
- Offrir aux femmes la possibilité de choisir leur vie affective indépendamment des besoins budgétaires.
- Offrir un filet de sécurité en cas de séparation, de violence ou de rupture.
- Envoyer un signal politique clair : la dignité n’est pas négociable, même au sein d’un foyer.
📢 En conclusion : une réforme urgente et légitime
La conjugalisation du RSA n’est pas qu’un effet de seuil calculatoire. C’est une marche forcée vers la dépendance, vers des situations où l’individu — souvent la femme — devient invisible. La dégonjugalisation du RSA, loin d’être un luxe, est une nécessité démocratique et féministe : elle protège, émancipe, et assure que chaque citoyen — homme ou femme — est considéré dans sa dignité individuelle, même au cœur d’un couple.
