✊ Contre la punition des pauvres : pourquoi j’ai signé la pétition d’ATD Quart Monde
Lundi 26 mai, j’ai franchi les portes du local d’ATD Quart Monde à Angers. Ce n’était ni une cérémonie ni un geste spectaculaire. C’était un acte de conscience. J’y suis allé signer, à titre personnel, la pétition “Non aux sanctions sur le RSA !”. J’étais accompagné de Noam Leandri, président du collectif Alerte, lui aussi membre du CNLE.
Nous avons rencontré une poignée de militantes et de militants d’ATD Quart Monde, déterminés, inquiets, lucides. Nous avons parlé du décret en cours de rédaction, de ses conséquences, de cette vision politique brutale qui voit dans les personnes allocataires du RSA des suspects à surveiller plutôt que des citoyens à accompagner. Et j’ai signé.
🧾 Un décret dangereux, une logique déshumanisante
Le projet de décret en question, que le gouvernement prépare dans la foulée de la loi pour le plein emploi, est un texte court, technique, mais qui aura des conséquences immenses. Il introduit une nouvelle sanction administrative dite de “suspension-remobilisation”, qui permettra à Pôle emploi ou aux futurs opérateurs de France Travail de suspendre entre 30 % et 100 % du RSA, sans recours réel ni encadrement suffisant.
Et ce, dès le premier “manquement”, parfois sur la base d’un simple défaut de réponse, d’un rendez-vous manqué, ou d’un malentendu administratif.
Cela signifie concrètement que des personnes sans ressources pourraient se retrouver sans aucun revenu pendant un mois, voire plus en cas de récidive. Un RSA amputé, suspendu, supprimé… pendant que les prix flambent, que les logements deviennent inaccessibles, que les restos du cœur n’ont plus les moyens de nourrir tout le monde.
📢 ATD Quart Monde tire le signal d’alarme
C’est contre cette mécanique injuste qu’ATD Quart Monde a lancé une pétition nationale, déjà signée par plus de 10 000 personnes, dont des citoyens, des élus, des travailleurs sociaux, des responsables d’associations (Emmaüs, Secours Catholique, Centres Sociaux de France, Fédération des Acteurs de la Solidarité, etc.).
Le mouvement dénonce une maltraitance institutionnelle, une politique publique fondée sur la punition plutôt que sur l’accompagnement, sur la peur plutôt que sur la confiance. Il rappelle que l’accompagnement social n’a de sens que s’il est librement consenti, adapté, respectueux du parcours de vie de chacun.
“Ce décret, c’est la double peine : la pauvreté et la sanction”, nous disait l’un des bénévoles présents. Et il avait raison.
👉 La pétition est à lire ici : https://www.atd-quartmonde.fr/petitions/petition-non-aux-sanctions-sur-le-rsa
🏛 Un avis officiel sans ambiguïté du CNLE
Ce n’est pas seulement ATD Quart Monde qui s’indigne. Le CNLE, organe consultatif indépendant rattaché à Matignon, a rendu le 9 mai un avis très critique sur le même décret, adopté à une large majorité. J’ai eu l’occasion de participer activement à la rédaction de ce texte, en tant que membre du collège « personnes concernées ».
Dans cet avis, le CNLE exprime une opposition de principe à l’esprit et à la lettre du décret. Il pointe :
- le risque de rupture de droits pour les personnes les plus éloignées de l’emploi,
- le contournement des droits fondamentaux, notamment en matière d’information et de recours,
- l’atteinte à la dignité, en instaurant un régime de soupçon permanent sur les allocataires,
- le renforcement du non-recours, alors que des centaines de milliers de personnes n’accèdent déjà pas au RSA malgré leur éligibilité.
Nous y proposons des mesures concrètes : renforcement de l’information, recours possibles avant toute suspension, remplacement des sanctions par des entretiens pédagogiques, etc.
📄 Lire l’avis complet : solidarites.gouv.fr – Avis du CNLE, 9 mai 2025
✍️ Pourquoi j’ai signé. Vraiment.
J’ai signé parce que je n’en peux plus de voir l’humiliation comme outil de gouvernance.
Parce que je refuse de me taire quand des décisions prises dans les cabinets ministériels viennent fracturer des vies déjà cabossées.
Parce qu’il y a quelque chose de profondément indigne à faire croire que les allocataires du RSA sont responsables de leur situation, quand tout, depuis l’école jusqu’au logement en passant par la santé ou l’accès au numérique, concourt à les exclure.
Parce que, enfin, je crois en une politique sociale qui écoute, qui soutient, qui construit, pas en un régime de contrainte, de flicage et de punition.
Le 26 mai, à Angers, chez ATD Quart Monde, j’ai signé pour rester debout, avec, et pour les autres.

