Tribune : Bayrou à Matignon, Macron à l’enterrement, et la Ve République sous respirateur

Il y a des moments dans l’histoire où l’on sent que le système touche le fond, qu’on gratte la croûte du ridicule avec une pelle en or républicain. Et en ce moment, on creuse profond. La Ve République ? Elle ne tient plus que par habitude, comme ce frigo que personne n’ose débrancher de peur qu’il ne redémarre jamais.

Autrefois, les crises avaient du style… aujourd’hui, elles ont Bayrou

Avant, les crises avaient de la gueule. Vraiment. On balançait des dissolutions à la figure comme des claques gaulliennes, on envoyait les chars dans les rues de Paris pour calmer les étudiants – c’était du musclé, du sérieux, du théâtral. De Gaulle en 68, Mitterrand en 86, Chirac en 95 : les mecs prenaient des risques, faisaient des erreurs, mais au moins ils savaient planter le décor.

C’était la grande époque des coulisses pleines de coups de poignards et de sourires carnassiers, où la politique ressemblait à un épisode de Game of Thrones, mais avec des costards et du Beaujolais. Chirac qui se prend Jospin en pleine tronche, Balladur qui poignarde Chirac, Villepin et Sarkozy qui se battent à coups de dossiers judiciaires… On avait du drame, du vrai. Et même quand ça cafouillait, ça cafouillait avec panache.

Aujourd’hui ? Rien. Le néant. Même les coups bas ont l’élégance d’un PowerPoint ministériel. On s’écharpe par notes internes interposées, on se poignarde via « sources proches du dossier », et quand ça s’engueule, c’est pour savoir qui aura la meilleure phrase molle au JT.

Un gouvernement fantôme pour une politique en mode veille

Regardons les choses en face : ce gouvernement n’existe pas. Si vous arrivez à citer dix ministres sans googler, c’est soit que vous travaillez à Matignon, soit que vous avez un très gros problème de passion politique non soignée.

Un gouvernement fantôme, où chacun tient son rôle comme dans un dîner de cons : y’a l’écolo qui bétonne, le centriste qui penche à droite, le ministre de l’intérieur qui joue au shérif texan, et l’ancien prof d’anglais reconverti en VRP de l’autorité républicaine. Une bande de technos relookés en soldats politiques, sans ligne, sans idées, sans même un peu de charisme de secours.

Et dans les coulisses, c’est open bar : Darmanin dissout à tour de bras, et se tire la bourre avec Retaileau, une Borne et une VautrIn h aux abonnée absente. ET tout ce petit monde coexiste dans un immense gloubi-boulga idéologique, où la droite radicale sert de colonne vertébrale au reste du puzzle

Résultat : ça gouverne sans gouverner, ça parle sans décider, ça avance en reculant, et surtout, ça fait semblant. Un théâtre d’ombres sans éclairage, où l’essentiel n’est plus d’agir, mais de faire croire qu’on agit.

Bayrou : le zombie républicain qu’on n’arrive pas à enterrer

Alors évidemment, pour diriger ce chef-d’œuvre d’impuissance collective, il fallait un symbole. Et quoi de mieux que François Bayrou, notre Grand Ancien du centre, le druide béarnais qui attendait Matignon comme le Messie attend l’Apocalypse. Il l’a voulu, il l’a eu. Et il s’est pris les pieds dans le tapis en entrant.

Depuis qu’il est là, Bayrou plane à 3 000 mètres au-dessus de la mêlée, sans oxygène ni boussole. Il ne dirige rien, ne tranche rien, ne parle que pour embrouiller, et surtout, il collectionne les casseroles comme d’autres collectionnent les fèves de galette des rois.

Petit rappel : mis en examen dans l’affaire des assistants parlementaires du MoDem, éjecté en 2017 de la place Vendôme au bout de trois semaines, et aujourd’hui, obligé de mentir en direct devant l’Assemblée pour couvrir ses arrières. « Je ne savais rien », dit-il. Bien sûr. Et moi je suis archevêque de Lourdes.

François Bayrou, c’est le supplice de la goutte version IVG politique : chaque jour, une fuite, un raté, un silence gênant. Il n’est plus Premier ministre, il est le fantôme du centrisme, l’incarnation de la mollesse sous stéroïdes, l’aveu vivant que la Ve République n’a plus rien dans le moteur.

Franchement, qu’on lui accorde une grâce présidentielle et un hamac dans le Béarn. Il a assez souffert. Et nous aussi.

Macron : le croque-mort de la République

Pendant ce temps, Macron joue à l’Empereur galactique, seul contre tous, brillant dans l’art de disserter sur les ruines qu’il a lui-même provoquées. Il ne gouverne plus : il commente, il convoque, il philosophe, il enterre. C’est d’ailleurs dans les hommages funèbres qu’il est le meilleur. Franchement, si PFG ne lui propose pas un poste de maître de cérémonie, c’est qu’ils n’ont rien compris au marketing.

Il a le sens du timing, le goût du mot juste – surtout quand c’est trop tard. En revanche, pour écouter les Français ? Zéro. Pour respecter un vote qui ne va pas dans son sens ? Moins que zéro. Le peuple ? Il le consulte comme on consulte un horoscope : quand ça arrange.

À l’international, il tente de jouer les sauveurs. Mais même les autres chefs d’État ne font plus semblant de l’inviter à la table – d’ailleurs, il n’y a plus de table, seulement des lignes rouges et des drones. Alors il brasse de l’air, il fait des selfies, il serre des mains, et il continue comme si tout allait bien, parce que tout va bien dans son monde. C’est juste le pays qui s’effondre.

Sarkozy, notre sauveur malgré lui

Et dire qu’on se moquait quand Nicolas Sarkozy a inscrit dans la Constitution la limite des deux mandats présidentiels. On trouvait ça habile, limite cynique. Mais aujourd’hui, qu’on lui érige une statue. Grâce à lui, on n’aura pas à subir un troisième tour de piste du Président des Riches. Merci Nico. Tu nous as sauvé d’un cauchemar républicain version saison 3.

Allô De Gaulle ? Y’a plus de piles.

Alors oui, on en vient à rêver de De Gaulle, de Mitterrand, de Chirac, de Pompidou, voire même de Giscard, c’est dire le niveau de désespoir. On rêve d’hommes d’État, de ceux qui savaient parler, gouverner, décider – même mal, mais au moins avec conviction.

Aujourd’hui, on a quoi ? Un croque-mort à l’Élysée, un zombie à Matignon, et une troupe de figurants interchangeables en guise de ministres. La Ve République ? Elle ne tremble plus. Elle clignote en rouge.

 

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